Tribune libre : la Passion du Christ

Par Mme Michèle -Laure RASSAT
Professeur Émérite des Facultés de droit

Je suis catholique convaincue et pratiquante. Je n’ai pas vu et n’irai pas voir La passion du Christ parce que je me sais incapable de supporter un spectacle violent. Pour autant je ne me donnerai pas le ridicule de juger cette violence absurde et je ne commettrai pas le double contresens de la dire gratuite ni de prétendre qu’elle est propre à alimenter l’antisémitisme.

On devrait avoir quelque mal à comprendre l’étonnement de ceux qui s’indignent de la violence du spectacle. Selon des textes concordants et dont nul ne remet en cause l’authenticité, Jésus a été longuement flagellé avant d’être couronné d’épines ce qui veut dire que des plaies ouvertes ont été ensuite exposées au soleil d’un pays chaud aux heures les plus chaudes de la journées ; il a dû porter sur une longue distance, en montée, une lourde croix à ces mêmes heures les plus chaudes ; il a été crucifié non pas par exposition sur une croix, autre formule pratiquée à l’époque mais en étant cloué sur cette croix mains et pieds ensemble ce qui, sur ce dernier aspect des choses et techniquement, ne relève plus d’un clou mais d’un épieu ; il a reçu un coup de lance dans le flanc avant de mourir probablement du tétanos, mort ordinaire des crucifiés, à moins que ce ne soit d’épuisement au résultat des traitements précédents qui n’étaient pas habituellement infligés aux crucifiés de base. Peut-on réellement imaginer qu’il se soit agit là d’une promenade de santé ? Ce fut une boucherie et il n’y a que les byzantins dont le sens aigu et bien connu du réalisme a fait passer le nom au langage commun, pour avoir fait de cela les représentations convenablement édulcorées qui alimentent depuis une longue tradition artistique. On peut être ému devant La Pietà de Michel-Ange mais il faut être conscient de ce que notre émotion est purement artistique car ces personnages bien jolis et bien propres n’ont aucun rapport avec un reportage journalistique sur l’événement que l’œuvre est censée incarner.

Avouons que nous avons eu quelque mal à entendre des ecclésiastiques, certains officiellement chargés de s’exprimer sur le sujet, dire de la violence de Mel Gibson qu’elle est gratuite. Car dire que la violence de Gibson est gratuite veut dire immanquablement que la souffrance de Jésus est aussi gratuite. Sauf à n’avoir rien compris à la religion que nous pratiquons, c’est commettre un contresens total. Jésus est venu accomplir une mission confiée par Dieu son père et qui consistait à mourir dans la douleur pour racheter les péchés des hommes, situés par rapport à lui dans le passé, le présent et l’avenir c’est-à-dire jusques et y compris les nôtres. S’il y a là un acte « gratuit » on voit mal ce qui pourrait ne pas l’être. Est-ce alors le fait de penser que si nous étions moins mauvais Jésus aurait moins souffert qui nous gêne ? Peut-être mais alors Gibson aura été bigrement utile.

Quant à alimenter l’antisémitisme, il faudrait être sérieux. L’épisode de la crucifixion de Jésus se situe en Palestine occupée, les bourreaux sont juifs mais aussi romains et la victime, elle, est juive. Il conviendrait de ne pas l’oublier. Au surplus, il s’agit, une fois de plus, de l’accomplissement d’un plan divin dans lequel les exécutants ne sont que des instruments dépourvus de toute volonté propre. Les juifs et les romains ont, dans cette affaire, à peu près autant d’autonomie et donc de responsabilité que le marteau qui a servi à planter les clous. Chacun a fait ce qu’il devait faire et de ce point de vue le meilleur juge est encore Jésus lui-même. A Judas il dit « ce que tu as à faire, fais le » et à son Père, « Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». On peut nous répondre, à juste titre, que l’accusation de déicide a alimenté pendant des siècles les persécutions dont les juifs ont été victimes. Loin de nous l’idée de ne pas le reconnaître, en souffrir et le déplorer mais rappelons seulement, à titre d’explication qui ne saurait être une justification, que ces époques sont aussi celles où, n’ayant pas encore reconnu la notion exacte de responsabilité, on jugeait, punissait et exécutait les chevaux reconnus coupables d’avoir piétiné leurs cavaliers, les porcs qui avaient dévoré des enfants et quelque fois même des objets inanimés qui avaient causé un dommage. On a Dieu merci (et l’expression est ici particulièrement appropriée) fait quelques progrès depuis.

Il nous parait alors clair qu’il n’était pas possible de faire le film autrement qu’il a, semble-t-il, été fait. La seule question qui demeure est celle de savoir s’il était opportun de le faire. Les millions de spectateurs qui l’ont vu dans le monde et dont on peut tout de même difficilement penser qu’il n’étaient constitués que d’antisémites patentés ou d’amateurs de « gore » ont répondu.

Et il reste que ceux qui s’indignent de la diffusion du film, en France, sont les mêmes qui défendaient celle de La dernière tentation du Christ ou de Je vous salue Marie. Gênant, non ?

Création d’une nouvelle confédération en Hongrie.

Le 16 mai 2004 sera créée officiellement la CONFEDERATION DES JURISTES CATHOLIQUES DE HONGRIE.

Avant la messe célébrée à 18 h en l’église St Pierre-et-Paul (Budapest-Obuda), seule église de Hongrie à posséder un tableau d’autel figurant St Yves, patron des juristes, les fondateurs entendront deux exposés : l’un de M. Lomnici Zoltan, président de la Cour Suprême de Hongrie, sur « les devoirs des juristes catholiques », l’autre du professeur Zlinsky Janos, ancien juge constitutionnel, sur « le rôle des valeurs catholiques dans la carrière de juriste ».

Les juristes catholiques hongrois proclameront à cette occasion leur attachement à la culture de la vie humaine, leur conviction que l’ordre social ne peut que se fonder sur les valeurs de charité, de solidarité et de vérité, et leur souhait que l’Europe s’enracine dans la loi éthique universelle inscrite dans le coeur de chaque homme.

Les félicitations et les encouragements à cette nouvelle association de juristes catholiques peuvent être envoyés, de préférence avant le 16 mai, à M. Attila KORENCSI : korencsia@mnb.hu. Vos messages se joindront à celui qu’adresse M. Joël-Benoit d’Onorio, président de l’Union Internationale des Juristes Catholiques.

« La juridiction de l’Etat et la juridiction de la conscience »

Le Professeur Lemoyne de Forges, Vice-Président de la CJCF et secrétaire général de l’Union Internationale des juristes catholiques a été invité à Bruxelles le 11 mars 2004 par le Groupe de réflexion sur l’éthique sociale où il a prononcé une conférence intitulée « La juridiction de l’Etat et la juridiction de la conscience ». Le texte de sa
conférence, ainsi que les activités de ce Groupe d’éthique sociale, sont accesibles sur www.ethiquesociale.org.

L’amendement Garraud – lettre ouverte…

Au moment où l’amendement Garraud, créant le délit d’interruption involontaire de grossesse, adopté le 27 novembre par les députés, a été supprimé par le Sénat le 21 janvier dernier, le Figaro du samedi 17 janvier 2004 a publié une lettre ouverte au Président de la République signée par plus de 60 professeurs de droit.

Cela prouve, s’il en était besoin, que cette question n’est pas d’ordre religieux mais relève des préoccupations les plus élémentaires de justice et de respect de la dignité des femmes.

Après avoir rappelé le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation de 1999, par lequel « un fœtus ne pouvait être victime d’un homicide par imprudence », les signataires soulignent que « la nécessité d’intervenir sur cette question de droit répond à la plus évidente logique législative. Dès lors, en effet, qu’une législation donnée protège la liberté des femmes de ne pas avoir les enfants qu’elles ne veulent pas, cette législation devient totalement déséquilibrée si elle ne protège pas, de la même façon, le droit des femmes à avoir les enfants qu’elles souhaitent. Punir ceux qui, au résultat d’une faute d’une particulière gravité, privent les femmes et les couples, parfois de manière irrémédiable, de ce droit, s’impose donc. »

Cet amendement « ne saurait constituer ni une « remise en cause de l’I.V.G.», ni la « création d’un (nouveau) statut de l’embryon » qu’il ne relève pas de la compétence du droit pénal de créer. Il ne s’agit que de dire, avec la force et la solennité de la loi pénale, la gravité d’actes qui, de manière fautive, imposent à une femme, contre sa volonté, la douleur de perdre l’enfant qu’elle porte avec des conséquences qui peuvent être, parfois, beaucoup plus dramatiques pour elle que bien d’autres comportements que la loi sanctionne d’une manière sévère, sans que personne ne songe à s’en indigner… »

Ils concluent qu’ils « sont donc disposés à admettre que «l’amendement Garraud » soit, en tant que tel, retiré, ce ne peut être qu’à la condition que le Gouvernement prenne l’engagement public, clair et daté de déposer un projet de loi allant dans le même sens. Ceux des signataires de cette lettre qui sont pénalistes peuvent fournir, sans délai, à Monsieur le Garde des Sceaux, un projet complet, avec texte et exposé des motifs. »

Laïcité – le débat…

Laïcité-Le débat :

Lire l’excellent article du Professeur Jean-Louis HAROUEL dans LE FIGARO du 5 décembre 2003 : « La hidjab, la croix et l’Europe ».

Brillant auteur de « Culture et Contre-culture » (P.U.F.), le Professeur Harouël s’attache au sens profond de la laïcité. Bien qu’hésitant sur la signification politique du voile islamique, il montre que l’Europe tout entière ne saurait accepter une règle vestimentaire contraire au principe d’égalité entre les sexes qui régit le droit des Etats européens.